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Texas Vandervliet: Je ne suis pas certain d'être en position de donner des conseils!
Prénom : Texas
Formation ULB : Master en Sciences et Gestion de l'environnement à l'IGEAT
Années de formation: 2016-2018
Fonction actuelle : (Ex-)Coordinateur au sein de l'asbl Remorquable
- Quel rêve de « carrière » aviez-vous lorsque vous avez choisi vos études?
Comme de nombreux enfants de la classe moyenne blanche ayant eu un parcours primaire et secondaire sans encombre et même plutôt réussi, la suite était cousue de fil blanc : l'université.
A l'époque de ma première inscription, je n'avais pas la moindre idée de ce que je voulais faire. Mes capacités de projection dans le futur étaient plus que limitées.
Ayant des facilités en mathématiques et en sciences, on me prédestinait à faire polytechnique. Esprit de contradiction oblige, j'ai décidé de m'inscrire en architecture. Je pensais que ça pourrait être chouette de faire des maquettes. Après la première présentation qui m'a fait rapidement comprendre que j'allais devoir y dédier le plus gros de mon temps et sacrifier pas mal de mon sommeil, je me suis ravisé. Je n'étais pas prêt et encore moins motivé à travailler autant.
A aucun moment, je ne me suis projeté dans une profession pour le choix des études. J'étais complètement perdu à l'époque et je cherchais plutôt à avoir le statut étudiant pour me la "couler douce" avant de me retrouver sur le marché du travail, perspective qui ne m'emballait pas du tout.
- Quel parcours avez-vous réalisé finalement ?
C'était plutôt chaotique. Faute d'avoir été proactif pour comprendre à quoi ressemblait la vie universitaire, l'organisation des cours et surtout les débouchés, je pense que mes errements ne pouvait que me mener à ce chaos. Au final, je m'estime plutôt chanceux du chemin parcouru.
Pour en revenir à ces quelques heures d'architecture, il était désormais clair que je devais trouver autre chose. Peu inspiré, je discute avec un ami dans la file des inscriptions et décide sans grande conviction de faire comme lui : science politique. "Ca m'intéresse un peu la politique quand même. " me disais-je pour me rassurer. L'ami en question ne fit pas long feu. Moi non plus. Je commençais à sécher massivement les cours, peu studieux que j'étais et je dois avouer que le format ex-cathedra et la quantité de savoir à ingurgiter presque par cœur me rebutait particulièrement. Je mis un point d'honneur à passer l'examen du seul cours que j'avais suivi à l'époque : critique historique. Pour le reste, je faisais beaucoup (trop) la fête et m'adonnais à 200% à mon rôle d'animateur louveteaux.
Après cette année "gachée" et plusieurs séances chez une conseillère d'orientation, c'est sans grande motivation que je me suis dirigé vers un bachelier d'ingénieur industriel à l'ECAM. Ayant été conditionné depuis ma tendre enfance à faire un parcours universitaire, surtout que j'avais des facilités en math et en sciences, je n'ai jamais vraiment envisagé me diriger vers une formation technique et/ou pratique. Avec le recul je me dis que cela aurait pu me plaire de toucher à du concret plus rapidement et de ne pas attendre d'avoir un diplôme en poche.
Après avoir galéré à finir mon bachelier (j'avais en horreur certains cours tels que celui sur le béton armé ou d'autres domaines qui me paraissaient obsolètes au regard de mes convictions écologistes), j'ai pris une année sabbatique salutaire. Ce fût l'année d'un long voyage à vélo avec un ami, de Bruxelles à Bishkek au Kyrgizistan. 7 mois de périples à la rencontre de l'altérité, à dormir en camping sauvage ou chez les habitants, à découvrir des paysages à couper le souffle.
A mon tour, ne sachant toujours pas quoi faire, j'ai suivi un master en gestion de l'environnement à l'IGEAT pour garder le statut étudiant, gagner deux ans avant de devoir me poser les questions qui fâchent et surtout approfondir les sujets qui me préoccupaient.
Cela m'a permis de continuer à m'impliquer bénévolement dans divers collectifs et associations, allant autant de la bibliothèque à outils Tournevie, aux actions de désobéissance civile contre les traités de libre échange ou encore les blocages de mines de charbon en Allemagne. J'ai eu l'opportunité de rencontrer un tas de personnes super intéressantes, approfondir une critique radicale de notre modèle économique et des inégalités sur lequel il repose.
Je dois avouer qu'à quelques rares exceptions, j'étais déçu du manque de consistance et d'engagement du corps enseignant censé être à la pointe des questions environnementales. J'ai compris plus tard que cela n'avait rien d'étonnant, qu'ils étaient avant tout là pour former des gestionnaires et qu'ils s'inscrivaient dans une vision, obsolète à mes yeux, du développement durable où tout se calcule et se mesure. Le but étant de rendre le capitalisme plus vert, plus durable, plus humain mais surtout de maintenir le statu quo.
Enfin, cela m'aurait néanmoins permis de rencontrer de chouettes personnes et de fonder, avec le soutien de la bourse Stéphane Hessel, l'association de prêt de remorques à vélo Remorquable qui deviendra plus tard mon premier emploi salarié. Je ne vais donc pas trop cracher dans la soupe même si je trouve, aux regards des catastrophes en cours et à venir, que la pseudo neutralité axiologique est à mettre à la trappe. Prétendre qu'il existe des vérités 100% objectives et qu'il n'y pas de biais de recherche est une imposture. J'apprécie que le monde de la recherche se bouge de plus en plus pour assumer des positions et valeurs claires. Il me paraît utile et nécessaire de situer d'où on parle et de montrer qu'il ne s'agit pas de savoir qui a raison ou tort mais de débattre sur des sujets de société en redonnant du sens aux valeurs qui devraient être cardinales dans ce qui reste de nos démocraties : la justice, l'égalité, l'antifascisme, l'accès à une vie digne pour toutes et tous.
- Quels sont les conseils que vous donneriez à de jeunes diplômés ?
Au regard de mon pessimisme quant aux désastres vers lesquels notre modèle économique nous conduit, je souhaite à tout le monde de bien s'entourer, de ne pas dédier l'essentiel de son temps et énergie à des bullshit jobs, de se laisser toucher par la beauté du vivant, de prendre soin de ses proches, de ne pas ajouter aux horreurs du quotidien.
Se mobiliser pour l'accès à une vie digne pour toutes et tous, contre les inégalités indécentes et la fuite en avant technologique proposée par la majorité des gouvernements et industriels pour "lutter" contre le changement climatique me paraissent autant de possibilités qui donnent du sens au milieu de toutes ces absurdités. Je pense sincèrement que s'informer sur ces sujets, questionner nos conditionnements, nos idées reçues et agir à notre échelle mais aussi dans une perspective collective, en ne cédant pas à la facilité du discours moralisateur individualisant, amène de belles rencontres et des amitiés solides qui permettent d'affronter le quotidien avec un peu plus de sérénité.
A titre personnel, je me refuse de me complaire dans le cynisme et le défaitisme, chaque petite victoire arrachée aux logiques délétères qui nous aliènent vaut la peine de se battre.
Pour les personnes que ça intéresse d'en apprendre plus sur Remorquable, n'hésitez pas à visiter le site de la RTBF
L'équipe recherche souvent des bénévoles (avec défraiement) pour soutenir les animations avec four à pizza mobile, initiation à la conduite avec remorque à vélo, karaoké ambulant, atelier vélo pédagogiques et bien d'autres !
Pour soutenir l'association, vous pouvez contribuer via : https://growfunding.be/fr/projects/remorquable
Pour soutenir des dynamiques de luttes progressistes en Belgique, il est possible de mutualiser une part de ses revenus via la Fondation Marius Jacob